Réveiller l’invisible, billet 4 : hors chant

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Rêver sous COVID-19

j’ai encore rêvé d’enterrement
cette fois c’est un poète pèlerin punk
qui chante des imprécations
aux funérailles de la république en marche
qu’est-ce que je fais là moi
au cimetière de Montparnasse ?
je promène mon nuage de ténèbres
j’aère mes fantômes et mes drapeaux intérieurs
apparemment personne ne semble nous remarquer
je comprends que c’est parce que j’ai enfilé
la kuné : un masque en peau de chien
qui rend invisible
je suppose que c’est directement Hadès
le dieu des morts qui me l’a prêté
je fais une connection invisible dans ma tête
qu’Hadès se mue en Pluton pour les romains
mais que dans le panthéon grec se tient également
Pluto le dieu aveugle de la richesse
je suis donc à l’enterrement de la ploutocratie
des riches et des nantis
je m’approche du punk son chant m’attire
l’expression qui me vient
c’est qu’il chante “comme un poisson dans l’au-delà”
imperturbable il continue à éructer
je suis sûre maintenant
qu’il ne me voit pas
je lui demande son prénom
il ne bouge pas d’un cil
il ne m’entend peut-être pas
je réessaye : “Les gens qui parlent la même langue font-ils semblant de se comprendre ou se comprennent-ils vraiment ? Comment en être sûre ? La communication humaine a t’elle muté de quiproquos en glissements sémantiques jusqu’à devenir ubuesque ? Acmé depuis le confinement ! S’est-elle figée dans l’ancien monde ! Est-ce que quand nous sortirons du confinement nous serons tous gelés comme des poissons qui sortent du congélateur ? Est-ce que tu m’as entendue ? Je veux dire : Est-ce que tu m’as entendue au sens d’entendre et pas de comprendre ? Mais maintenant je suis curieuse : Est-ce que tu m’as aussi comprise ?”
aucune réponse
je reste à gésir un instant
dans le tourbillon de mes questions
au sol un scorpion s’auto-décompose
et se reforme instantanément
comme l’aigle en phénix
puis je reprends seule
un chant noir hors champ
rideau