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Noir Inconnu, Wanderer – De l’incidence éditions (livre ici)
Texte de Sylvain George
Lu par Laurie et Bellanca et mis en son par Benjamin Chaval
(Les Lectures électriques)
Un homme est mort.Ses mains noires sur la pierre glissantevenaient sauver l’univers tout entier.Et les chœurs prophétiques de chavirer :« Je suis venu jeter un feu sur la terre.Qu’ai-je à souhaiter si déjà l’incendie a pris ? »
Marie Cosnay écrit le 3 avril 2020:
Comment se fera le sursaut, et quand, nous ne savons pas – mais il aura lieu. Car “serions-nous à l’abri dans un monde transformé en une énorme colonie pénitentiaire, même si le rôle qui nous y est réservé serait celui, relativement privilégié, de geôliers ? Il est grand temps de se ressaisir : l’épidémie de Covid-19 a démontré, si besoin était, que nous vivons toutes et tous dans le même monde et que le sort des uns affecte celui des autres. »
Camille Louis disait un peu plus tôt, le 30 mars 2020:
Alors que les voix, les gestes, les actes des personnes exilées sont tues et invisibilisées constamment, écrasées sous la représentation mortifère du “problème migratoire”; alors que l’on est passé, en ces temps de confinement, de la représentation morbide à la mise à mal, voire à mort, des vies de ces autres dont l’Europe ne veut pas, ils et elles, depuis le camp immonde de Moria continuent d’inventer des pratiques pour faire tenir les vies et leurs espérances. Rouddy Kimpioka, depuis là-bas, nous fait savoir et nous invite à voir toute la puissance, la force, l’intelligence des personnes exilées qui continuent de lutter. Et cette lutte, c’est celle qui nous concerne toutes et tous. Lutte pour un monde commun tout simplement vivable par ici: le pot solidaire
Extrait d’un autre poème « Morceau d’espace flottant 46 », Noir Inconnu – Wanderer
Elle grogne, la voix de John, la voix plurielle en ses ressacs :
« Celui qui n’a plus de patrie. Et l’idée de la patrie s’en va.
Les vivants s’en vont, les morts reviennent.
Sur la tombe, les fleurs mortelles. Dieu ne frémit plus. Il n’a plus d’ombres, de brumes ensanglantées, ou d’ubacs, et d’adrets jamais plus. Ni ses avatars mêmes. L’idée même de salut ne paraît pas compromise, elle n’est plus, absolument. Tout se joue à chaque fois, à chaque instant.
Ainsi s’écrit, dans le refus résolu de l’Ordre poétique, cercles et panthéons, l’impossibilité d’incorporer la douleur et la faille. Ainsi se consignent, dans le poème-abattoir et ses reflets changeants, ses mots sabirs, son verbe tison, ses phrases biffées-balafrées, le lexique de l’amour et de la captivité, les brusques mouvements d’accélération, visions et percées, réminiscences les plus lointaines, insoupçonnées, les cheminements de la remémoration. A s’en briser les tempes. Déplorations, invocations, évocations, résurrections des vivants et des morts, requiem… Ainsi se lit le poème haschichin, le poème infâme, le poème souillé, le poème épars, brisé, mal équarri, physique et abrupt de la discontinuité, en migration perpétuelle, en avance toujours, arraché irréfragablement à la déposition du jour, aux ultimes scories de la mort de Dieu. Ainsi le geste-qui-élague, sans aveux, toujours réinventé, de l’ennemi déclaré : un écart béant, une manière de se tenir à distance ; d’aller, au-delà des vagues, réalités humaines dans leur ensemble, telle la flamme sur le bois mouillé ; tel le paysage mouvant qu’inventent, sur les prairies et rivières, les déplacements de l’ombre et de la clarté ; tel celui qui saigne sur le papier avec ses ongles, ses griffes, ses sabots, ses pieds. Ainsi la puissance intempestive du cœur transgressif, du poème-crime, du geste-tikkun et des répétitions incantatoires : de nouvelles cristallisations de matières dynamiques et silencieuses, des figures dans le temps.
Quelque chose, quelqu’un, quelque part…
Du fond de ma déréliction, souffle la force lapidaire du vent, les serments du condamné, la haine du pouvoir et de l’autorité, le refus des révoltes aristocratiques. La joie s’avive en ferment. Tout est si soudainement plus vif et pratique : le retour au réel plus ardent, le parfum de l’aubépine plus amer, les sucs du venin plus mortels, la mer du temps enfin aperçue distinctement. J’agite les eaux dormantes, sans impression pourtant de la grâce sur mon cœur boursoufflé de polypes. L’aspersion sur mon corps n’est pas intérieure. Je reste définitivement impur. Je mange encore les blessés et les morts.
Ouvrez les ports !
Seul le chant du barbare peut me sauver de la peur. Une eulogie furieuse, sanglante. Avec lui, son être de chair, d’or et de sang, meurt le désir et l’attrait des mythes, les mystères mantiques, la nostalgie envers le passé. Avec lui, son corps sombre, détruit, vaincu, et qui ne peut être simplement reconstruit, meurt cette idée de la barbarie comme simple figure, antithétique, de la civilisation moderne – Hache ! Mâche ! – face cachée, dévoilée, ignorée-pourtant-toujours-et-encore la doublure du monde. Un revers terrifiant que rappelle la rhapsodie. Une apocalypse X, qui méduse et sidère les vies-oublieuses de leurs moindres gestes – vies-absentes à elles-mêmes et leurs restes tentaculaires, remous, secousses ; vies-éloignées qui vont jusqu’à regarder et vivre, jusqu’à se regarder vivre le spectacle de leur propre destruction, de leur propre anéantissement, comme une ultime jouissance. En pure gelée. L’enfer en images : les vies-scélérates. Avec le corps-cire en torche, dernière lueur, clarté obscure de l’utopie, meurent les idées de l’homme-réceptacle, de la rédemption comme acte divin, de la communauté humaine authentique dans l’avènement de l’Antéchrist invincible.
Un homme est mort. Le scélérat !
Il hâle seul le monde d’ici-bas, il est l’accord mineur, le cancrelat ! Le noyau noir infracassable. Le précipité. Hors de.
Unskilled. »
À bas les CRA :ICI
Soutien Moria, le pot solidaire:ICI
Soutien La Casa – Paris / mineurs isolés :ICI
Soutien Rosmerta – Avignon / mineurs isolés et famille:ICI et ICI
Pétition « nous exigeons » :ICI
« Parce que non les solidarités ne sont pas des “mesures d’exception” que l’on adopterait qu’en État de guerre ou État d’urgence, certains ont compris comment en faire véritablement une politique COMMUNE: PORTUGAL ! » Camille Louis