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quelque chose calme
lutte
chose masse chose
force
cognée
frappée
en légions de bois
en vagues traversées
où se perd l’âge des temps
faces contre faces les forces s’annulent
on tente à nouveau
même si l’on sait déjà que l’on ne pourra
jamais
respirer tout cela
ni s’en nourrir
chaque jour les corps vides
s’attendent
faute de souffle pour dire
pour
s’en remettre aux mots
mâchés et remâchés passant d’une langue à l’autre
d’un organe à l’autre
ce qui dessine des paysages terriblement mouvants
vertigineux quand on s’y attarde
des paysages habitables ou non
dans lesquels les êtres de langage se côtoient
évoluent de concert ou isolément
largement ignorants du fait que ce sont eux qui les constituent
et les redessinent sans cesse
à chaque mot prononcé
du seul fait d’énoncer
un à un
les soubresauts souterrains
d’une écorce et son étreinte en continu
qui bouleverse les ancrages les plus tenaces
qui dérègle qui s’ébat et s’affranchit
de ces bouleversements
qui sont des mouvements
lents
à d’autres échelles de temps
d’autres danses simulées
autant d’alternatives tendant à la maîtrise des espaces
autant de rites visant à les identifier
de sorte qu’il devienne envisageable
d’en composer la topographie
si peu lisible
si peu accueillante
des puissances s’acharnent
dans les lointains
tendant à ralentir le possible infini des êtres
à l’oblitérer le rendre fantasmatique ou dépassé
pour les transformer en sujets
non pas lieux d’espaces immenses
où chaque moment devient une exploration
au contraire espaces de désirs supplémentaires
le temps alors n’est plus celui des devenirs
mais des masques toujours renouvelés
aux joues veinées
aux orbites et à la grimace évidées
pour laisser place aux expressions du monde
à ses incarnations de fortune disparues
sous un amoncellement de paroles prononcées
par des qui prononçant des quoi
rivés aux édifices qu’ils ont érigés
pour se protéger en vain d’un mal hypothétique
qu’ils alimentent
leurs instincts appellent d’autres destins et rien ne se fait entendre d’aucune partie
d’aucun coin du monde
ou à peine
et n’est pas tant en forces
sinon éparses et donc sans portée
jusqu’à ce que les voix terrassées
enfouies sous la terre des quant-à-eux
s’extirpent enfin de ces paysages de vide grouillant
pour se faire entendre en incantations de faillite
en profération de formules résistant à la mort
les notes détonnent
sont sans partage
moments lancés par-delà les vallées les fleuves
chaque parcelle de terre
et cela ne perturbe en rien ce qui vient
comme si tout autre se trouvait à la merci
d’un invisible qui se répand émerge et passe
retombe et semble disparaître
pourtant meut chaque plan de l’espace visible
et cherche en permanence ce qui encore lui échappe
jusqu’à traverser les membranes
pour surgir
comme la toute première fois
pour surgir
pour surgir
dans le déploiement des plis
des agencements multiples
dans le dépli sans cesse surgissant
du regard qui tient
toute la somme
dessous la terre accumulée
jusqu’aux couronnes fleuries
pour surgir
au seuil de l’arbre allongé
à nos pieds
marchant
scrutant
marchant
appelant
les sources
les chemins
marchant
les croisements
les vertiges
les fulgurances
là ici
et cela anticipe
les plans à venir
l’ensemble de ce qui fourmille
en stase attend son heure
de siècle en siècle
qui parfois jamais ne vient
pour le moment
sursauter
battre le fer
en arpentant les chemins
traverser des surfaces
dont nous sommes les limites
contours flous
seuls bourgeonnements blanchâtres
porteurs des fruits disponibles
jouvence dans la rivière
taire le nom des choses encore
tout en dessinant le mystère
qui les entoure
peindre un paysage ou la figure
un paysage et la figure
où ça ne plie pas
ne transmet pas
ne projette pas
les surfaces irisent des dispositifs
amendent
ou transpercent ce qui s’y dépose
les surfaces à raisonner
en même temps que se plient les paysages
qu’ils se replient et se plissent sous nos pieds
et que se déroule le grand saccage des figures
leur morcellement en autant de lieux
condamnés à la sécheresse aveugle
les traits
de visage en visage
tendent à se fondre en un seul dessin
quand les yeux ne rencontrent rien d’autre qu’un désir
ponctuel et sans lendemain
alors les corps s’isolent
perdent
tout sentiment du lieu
il n’y aurait plus que des couches et des couches de temps même
et les racines ralentissent
perdent pied
tandis que les corps se déterritorialisent
ne se maintenant plus
que par la seule possibilité de croissance
perdent pied
signe cependant qu’il leur est toujours permis
d’envisager un destin
(captation réalisée en octobre 2020 lors d’une résidence de recherche et de création au Phénix Scène Nationale et Pôle Européen de Création de Valenciennes)