-- Téléchargez Caramel #2 en PDF --
Dessin : Cyprien Desrez, Chien marrant png, ou Chien très canin
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Heure non déterminée pour le chien.
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Dans un demi sommeil, le son traverse l’oreille cachant l’oeil de Caramel.
C’est pas halal tout ça, c’est pas halal
Je dois faire du biff de la moula, du caramel Du caramel X2
Caramel peine à soulever ses paupières.
Il peine encore plus à soulever son corps rempli de croquettes.
Son ventre touche par terre. Il ne comprend pas quand l’homme le lui fait remarquer.
Il entend très exactement :
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Il détecte rapidement d’où vient le son, le Caramel.
Il file tout droit vers le poste radio. Caramel est le mot par lequel on l’appelle.
Il entend à nouveau :
Tant que le poste l’appelle, il reste devant.
Assis, les pattes avants droites et parallèles.
Il attend que le poste le caresse.
Le poste reste immobile comme les tables, comme les chaises.
Il entend un autre : Carameeeeeeel, puis encore un autre et toujours aucune caresse.
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Il dit merde sans le formuler.
Comprends qu’il y a d’autres Caramels, que celui-ci ne lui était pas adressé.
Le chien a la couleur du sable.
Il y a peu de contraste entre lui et le parquet.
Caramel pense sous la table à 4 pieds.
Tu ne peux pas m’appeler pareil que ce que tu manges.
Pareil que le chat. Pareil que le poney couleur du sable.
Caramel répond quand on l’appelle mais là il est vexé.
Il pense je suis plus que du sucre et de l’eau réchauffée.
Le poste s’arrête de l’appeller pour diffuser une autre chanson.
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Il coordonne ses 4 pattes pour avancer, pour s’ébouser sous une table à 4 pieds.
Il s’arrête en chemin. Il ne veut plus répondre à son nom même si personne ne l’appelle.
Le chien ne connaît ni l’heure, ni la date, encore moins les saisons.
Caramel s’arrête en chemin, là où il ne s’était jamais arrêté.
Entre la cuisine et le salon, à même le carrelage, pile dans l’axe de la fenêtre.
Un rayon de lumière réchauffe le museau de Caramel.
Le halo de lumière projette un périmètre. Caramel se tient parfaitement au milieu.
Le crâne sans rien au dessus.
Il savoure l’espace entre le plafond et sa tête.
Les pattes avants ancrées dans le carrelage.
Caramel se tient là où il ne s’était jamais tenu sans rien faire d’autre que savourer l’espace entre le plafond et sa tête.
La chaleur se transforme en brûlure. Caramel a le poil dru, la peau épaisse.
Il résiste pour ne pas fermer ses paupières.
Ses larmes coulent et se stoppent net.
Il résiste un peu plus fort. L’agrégat sous son oeil craquèle.
Caramel pense à tête découverte :
Il décide de se faire une charentaise.
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Sous le canapé, à hauteur de chien, une collection de poussière, des restes de bouffe transformés en cailloux, trois pantoufles isolées de leurs paires.
Caramel en chope une et la dévore sans l’avaler.
Il la lacère puis agite sa tête sur les côtés, de haut en bas, semelle entre les dents pour l’achever.
L’homme fait semblant de ne pas savoir ce qu’il y a sous le canapé.
Caramel est épuisé, par réflexe il va s’allonger sous la première table à proximité.
4 pieds en alu, chaussettes en caoutchouc, sa préférée.
Celle où parfois l’homme mange pendant que Caramel est dessous à attendre que quelque chose en tombe.
La charentaise, elle, là où il l’avait trouvée mais en plusieurs morceaux.
A hauteur de chien donc invisible à l’homme.
Caramel s’endort des peluches dans les dents.
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Les minutes que Caramel ne connaît pas passent. Il dort profondément.
Sous son crâne un évier creusé à même le parquet, avec sa patte il peut décider du sort de l’eau : la laisser couler d’un filet fin ou épais, la couper. Il disparaît quand il n’a plus soif et réapparaît ailleurs quand il en a besoin. Caramel, mage de l’eau, s’essouffle juste pour avoir soif et voir apparaître un nouveau creux magique sous ses pattes qui se résorbe une fois bu. Le parquet sapin lui chatouille la brioche. Il rit.
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Un bruit chez les voisins le réveille. Il se rendort aussitôt mais pas du tout dans le même rêve.
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Chacun de ses doigts est autonome, Caramel exécute différents signes de patte aux fortes charges symboliques avant de pianoter sur un clavier. Un chien plus grand que lui passe et lui rend son signe de patte avant de disparaître. Caramel surfe sur le net des hommes. Ses griffes connaîssent l’alphabet. Une page s’ouvre. Les 20 plus belles citations canines de l’histoire contemporaine. Il remarque que pas une seule n’a été écrite par un chien. Il scrolle. Plus je vois les hommes, plus j’admire les chiens. Scrolle. Regarde ton chien dans les yeux et tu ne pourras pas affirmer qu’il n’a pas d’âme. Et scrolle pour passer direct à la dernière. Partout où il y a un malheureux, Dieu envoie un chien. Caramel décrypte le langage des hommes sur l’internet. Il se dit que les hommes ont manifestement beaucoup d’avis sur les chiens. Il répète à voix haute en langue d’homme énervé : Que des torchons et pas une seule phrase de chien ! Caramel transpire des babines. Il dit : Bordel je parle l’homme et plus le chien. Il halète à tel point que sa langue devient trop grande pour sa gueule. Celle qui ne veut plus dire que des mots humains. Je suis sûre qu’il rêve, filme-le, filme-le, dit une fille s’incrustant dans le rêve de Caramel. Il se réveille avant que l’homme n’ait sorti sa caméra. Il ne fait rien d’intéressant exprès, sa posture la plus basique. Il ouvre les yeux, se redresse et tout redevient du charabia.
En langue de chien authentique Caramel dit : WET EYES BURNS HEIGHTS (en lettres de feu)
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à suivre