-- Téléchargez quelque chose calme lutte (chant IX) en PDF --
quelque chose
chose masse
cognée
frappée
en vagues traversées
faces contre faces les forces s’annulent
le retrait est soudain et sans émoi
même si l’on sait déjà que l’on ne pourra
jamais
s’en nourrir
chaque jour les corps vides
s’attendent
masses condamnées pâles
en proie au vivant
faute de souffle pour
s’en remettre aux mots
passant d’une langue à l’autre
d’un organe à l’autre
chacun se dissout dans
des paysages ou non
dans lesquels les êtres de langage se côtoient
réamorcent des rapports complexes
un à un les mouvements tectoniques
de ce que nous nommons dans le langage
et les sens contraints
bouleversements
sont des mouvements
lents
tendant à la multiplicité des espaces
de sorte qu’il devienne envisageable
d’en composer la topographie
dans les lointains
chaque moment devient une exploration
pour laisser place aux expressions du monde
sous un amoncellement de paroles prononcées
pour se protéger en vain d’un mal hypothétique
leurs instincts appellent d’autres destins
jusqu’à ce que les voix terrassées
s’extirpent enfin de ces paysages de vide
chaque parcelle de terre
retombe et semble disparaître
jusqu’à traverser les membranes
pour surgir
à nos pieds
appelant
les sources
là ici
dans cet espace privé d’objet
mais qui respire
qui disparaît
pour apparaître encore
là où sommeillent les formes
car voilà que soudain
ce qui tout à l’heure n’était
ou plutôt semblait n’être
devient
et que des formes de vie complexes en viennent à se compléter
et à créer des outils
afin de façonner le monde extérieur
de le reformuler en évitant les ratures
et d’habiter les images qu’elles en construisent
ce qui est une façon d’avoir lieu
qui superpose des horizons d’événements
crée des distorsions et des présences annexes
devenant d’être en être
premières
cela distille
des poisons lents
des liqueurs colorées
qui garantissent la vision
d’un monde parfait
d’une écorce lisse
sans aspérité aucune
sans présence particulière
car ce qui révèle
détermine en soi
la possibilité d’un disparaître
sous les apparences de ce qui fut
la page tournée est un signe de passage
elle atteste d’un présent qui s’est écarté
et pointe le destin vers la nuit
cet autre côté du monde
nous sommes peut-être alors
au lieu où les collisions
quand les matières s’évasent se contractent
en partie liées à l’infini
quand de toutes parts affleurent les regards
et que l’illusion du séparé ne trouble plus les sens
nous sommes peut-être alors
nos langues pourraient à nouveau articuler
des mondes
quelles qu’en soient les échelles
nous sommes peut-être alors
au lieu sans lieu
le lieu de tous les lieux
de tous les mondes
de toutes les langues
le lieu dit sans adresse
où toutes les identités se retrouvent
en mimant les mirages à l’infini
pour résister à l’épreuve des faits
qui se rigidifient
dans la quête inlassable
d’un bord hypothétique
d’une raison première
qui prévaudrait
à tout emballement
en vain
puisque les glissements persistent
les écoulements les chevauchements
les mouvements imprévisibles
les tressaillements qui nous tenaillent
qui nous supplient d’être
d’être le creux
d’être le creux des choses
qui ne parlent pas
qui ne décrivent pas
qui ne prononcent pas
d’être leurs creux profonds
profondément ensevelis
plus creux
plus creux encore
dans le tréfonds d’un entendement
sans fond sans creux
à la surface qui demeure vissée
à la surface d’un regard cependant
(captation réalisée en octobre 2020 lors d’une résidence de recherche et de création au Phénix Scène Nationale et Pôle Européen de Création de Valenciennes)